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Dernière modification :
24 juin 2004

 

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Canabis
Mise à jour : 24 juin 2004

 

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Aspects criminogènes de la réglementation actuelle sur le canabis.

 

Robert Delanne : "La prohibition des drogues est un échec" Quels sont les enjeux de la prohibition ? Quelle alternative "géopolitique" construire pour mettre en question le système prohibition-trafic ?
 

Extraits d’un entretien publié dans Combat, n° 29 et 30, sept. et déc. 2002.

Qu’en est-il de la "guerre à la drogue" ? Quel rôle joue aujourd'hui la prohibition sur le plan géopolitique ?

La guerre à la drogue est un échec, c'est aujourd'hui une évidence. Les surfaces de plantes toxiques cultivées augmentent d'année en année dans les pays de culture traditionnelle, et de nouvelles cultures se développent dans de nouveaux pays. (…)

Sur le plan international, on observe une extrême indulgence des pays du G8 vis-à-vis des États narcotrafiquants, selon les intérêts économiques et politiques en jeu. C’est vrai par exemple vis-à-vis de la Turquie, candidate à l'entrée dans la communauté européenne, qui est actuellement le premier producteur d'héroïne vendue en Europe (…). C’est vrai aussi de la complicité de la France vis-à-vis de la Birmanie où la compagnie Total est toute puissante. Idem avec le Maroc. Mais il faudrait des pages et des pages pour dresser une liste complète des complicités et des équivoques de la guerre à la drogue made in USA.

Constatons seulement que la finalité logique de la prohibition aboutit à un échec : elle génère cet échec en dynamisant ce qu'elle prétend supprimer. Mais alors on peut, on doit se poser la question : nos hommes politiques ne sont pas des idiots, ce sont des gens cultivés, ils le savent. Alors ? Pourquoi, après tant d'années, maintiennent-ils la prohibition ? Autrement dit : qui dit quoi ? Et à qui ça profite ?

Depuis des décennies, les pays du Sud connaissent des conditions de vie de plus en plus difficiles. La suppression des quotas, qui a ruiné des millions de paysans au profit des géants de l'agroalimentaire, a complété le pillage de leurs ressources naturelles par les pays industrialisés. Leur seule solution pour seulement survivre était la culture des plantes à drogues qui rapportent, à l'hectare, vingt fois plus que les cultures vivrières. Mais la culture n'est pas ce qui rapporte le plus. La transformation, le trafic et le blanchiment offrent un rendement beaucoup plus attrayant. En 1992, l'ONU donnait déjà une liste des pays du Tiers Monde impliqués dans le trafic. (…), le Sud s'enfonce toujours plus dans la misère. Et la drogue, dynamisée par la prohibition, devient une alternative économique de secours aussi bien pour les États que pour les élites et une petite partie des populations. (…)

La drogue (cultures, transformation, trafics) est devenue la base d’économies de survie. De nombreux pays du Tiers Monde, qui ont trouvé là une solution pour résoudre en partie leurs problèmes de trésorerie, offrent un débouché important aux exportations des pays industrialisés, biens de consommation, armes, travaux d'infrastructure, usines clef en main, etc, payés avec l'argent du trafic, donc automatiquement blanchi. Avec quoi le Pakistan, pays ruiné, a-t-il acheté à la France, en 1997, quarante Mirages 2004, qu'on surnomme en riant, mais sous couvert d’anonymat, dans les ministères les "mirages de l'opium" ? Avec l'argent de la drogue, qui, ipso facto, est blanchi.

"Aujourd'hui le blanchiment d'argent et son corollaire, la criminalisation du politique, touchent désormais, via la mondialisation des flux financiers, l'ensemble du globe", expliquait en avril 2000 le rapport de l'Observatoire de la Géopolitique des Drogues. (…) À grand renfort de publicité, les politiques, à travers les médias, nous annoncent sans cesse de nouvelles mesures renforçant la lutte contre le blanchiment, et, nous apprennent la saisie de quelques millions de dollars. Alors que l'argent de la drogue représente des centaines de milliards de dollars. (…)

Mais les avantages de la prohibition ne sont pas seulement économiques pour les capitalistes. Ils sont aussi politiques. Dans tous les pays, y compris la France, la guerre à la drogue joue le même rôle que la guerre au terrorisme : c'est la loi du tout répressif, avec des législations d'exception. (…)

La guerre à la drogue sert de prétexte à de nombreux gouvernements pour réprimer des mouvements politiques. En France, la guerre à la drogue justifie le répressif par le biais de la supposée délinquance liée au deal, alors que de nombreux observateurs indépendants font remarquer que les violences dans les cités ont la plupart du temps d'autres origines. Toute une législation en contradiction avec les Droits de l'Homme et la Constitution française est en place. La prohibition est peut-être, pour l'ultra-libéralisme, l'outil le plus redoutable contre la démocratie, parce qu'elle permet toutes les exactions contre la démocratie avec l'accord des populations qu'on a convaincues que cette politique est conforme à leurs intérêts. Voyez aujourd'hui l'usage qui en est fait en France : au nom de l'insécurité, où le trafic de drogue joue soi-disant le premier rôle, les gouvernements se sont lancés dans un tout répressif qui met à mal nos libertés, la démocratie. Et une bonne partie de la population applaudit. En serait-il de même s'ils faisaient passer les mêmes lois en disant que c'est pour défendre leurs privilèges ? (…)

Que pensez-vous des revendications d'abrogation de la loi de 1970, de dépénalisation ou de légalisation de l'usage de certaines ou de toutes les drogues ?

La loi de 1970 et l'hystérie de la campagne anti-drogue et anti-drogués a entraîné une véritable chasse aux sorcières, digne du Moyen Age, jusque dans le vocabulaire. On a inventé un fléau qui n'existait pas : personne ne sait qu’en 1970 il y avait moins d'usagers de drogues qu'en 1935.

La loi de 1970 a dynamisé l'usage des drogues, les économies parallèles, la délinquance, pourri le climat social, coûté cher au contribuable (la répression coûte très cher) et perturbé, parfois définitivement, des centaines de milliers de jeunes. (…) Tout ça pour un délit inventé de toutes pièces par cette loi. (…) Et vous me demandez ce que je pense de son abrogation ? Tout citoyen responsable devrait descendre dans la rue pour l'exiger. (…)

Alors, dépénaliser ou légaliser ? Dépénaliser quoi ? L'usage ? Ça voudrait dire que les usagers auraient le droit de consommer un ou des produits qu'ils ne pourraient se procurer que frauduleusement, c'est-à-dire qu'ils deviendraient de facto complices d'un trafic, donc délinquants, et, continueraient le trafic, les économies parallèles, et toutes les conséquences que nous avons vues. Je pense donc qu’il faut légaliser. Mais légaliser le cannabis seul, et pas les autres drogues ? Absurde. Légaliser le seul cannabis laisserait entier le problème de toutes les autres drogues : trafic, argent sale, danger sanitaire, insécurité, criminalité, corruption, etc. Pire encore : le volume de l'argent tiré du cannabis illégal représente une part importante de l'argent du trafic actuel des drogues. Privés de ces revenus, les trafiquants seraient portés à intensifier le trafic des autres drogues.
La seule solution est la légalisation de toutes les drogues, avec un vrai programme d'accompagnement. Mais avant il faut pouvoir en débattre, ce à quoi les gouvernements depuis 30 ans n’ont jamais été favorables, se réfugiant derrière la Convention unique votée à l’ONU en 1961 sur la demande des Etats-Unis, qui impose à chaque Etat membre des règles strictes de lutte contre le trafic de drogue. Or, l’article 46 ("Dénonciations") de la Convention, paragraphe 1, indique que " (...) toute Partie pourra (...) dénoncer la présente Convention (...). " Les articles 47 ("Amendements"), 48 ("Différents”) et 49 ("Réserves transitoires"), offrent la possibilité pour un Etat membre de se désengager, en tout ou en partie, des contraintes de la Convention.

Ancien contrebandier, navigateur, aventurier, Robert Delanne est un militant antiprohibitionniste. Il est l’auteur de La croisière impossible (Editions du Lézard, 1999).

Extraits d’un entretien publié dans Combat, n° 29 et 30, sept. et déc. 2002.

 

   
 
 
   
 

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